Trois citrons - ft Viktor

La semaine touchait à sa fin. Les yeux rivés sur mon écran lumineux, j’observais la minute se transformer. J’étais techniquement toujours le premier ici, en vivant au-dessus de Dreamscape. Mes premiers employés arrivaient dans un peu plus d’une heure ; j’avais encore du temps pour siroter le reste de mon lait chocolaté. Tel un gamin, si je n’avais pas une bonne dose de sucre le matin, il m’était difficile de m’éveiller. Sur mon écran lumineux, j’observais les mails que j’avais reçu. Je n’aimais pas l’administratif, pas plus que d’être visé dans une chaise à devoir tapoter sur ce clavier. Et pourtant, c’était une partie plus que nécessaire de mon poste. Quel mauvais patron serais-je dans le cas contraire. Les livraisons, les salaires, les ressources humaines, tant à gérer sur un si tout petit écran. Je n’aimais pas ça, mais je le faisais car derrière, je savais bien que Dreamscape apportait à ses clients un bout de mon rêve. Repenser à nos avis positifs, au bonheur qu’ils avaient me suffisaient à rendre tout ça largement supportable.

Une nouvelle gorgée de ma boisson en bouche, je plissais les yeux. Une adresse qui m’était inconnu m’avait écrit. Oceanside Gallery. Je souriais, pensant là qu’il s’agissait d’une erreur. Mais à peine avais-je eu le temps de lire l’objet que je réalisai que non. Un partenariat. Mieux encore, l’idée serait d’utiliser mes locaux pour une exposition. Une proposition atypique, mais qui, d’après les lignes que je lisais, pouvais se solder par un joli chèque. Une idée juteuse, appréciable et donnant une nouvelle corde à l’arc de mon commerce. Je répondis :


Bien évidemment, le cordialement devenu bisou ne me sauta pas aux yeux. J’étais connu pour ne pas être très procédurier, mais tout de même, là, c’était presque une boulette. Toujours est-il qu’il me tardait d’avoir sa réponse, car je voyais en cette opportunité, une quasi-infinité de chose à faire. Je fermais l’ordinateur après avoir jeté un brin coup d’œil à l’heure.


Le service de midi venait de passer. Un bon service, ceux dont l’équilibre entre argent et personnel brillait. Nous étions ouverts entre midi et deux, mais uniquement la partie bar et salle d’arcade. De ce fait, vers quinze heures, nous n’étions que deux. J’étais derrière mon bar et mon employé, pas très loin. Je préparais des rondelles de citron quand je le vis. Cette immense personne. Une taille imposante sur la longueur. Il devait, quoi, mesurer peut-être un mètre quatre-vingt-dix, probablement deux mètres. J’affichais un sourire, c’était un client que je n’avais encore jamais vu et, vu l’élégance de sa tenue, me demandait s’il était réellement là pour les arcades. Et j’avais vu juste car, au fur et à mesure qu’il avançait, mon cerveau fit le lien, un peu de façon miraculeuse.

—Viktor Norgaad ? Disais-je avec une certaine hésitation.

Mon hésitation résultait du fait que, avec le service que nous avions, je n’avais pas vu l’heure tourner et surtout, pas vu mon téléphone et donc mes mails. Je n’avais pas non plus pris le temps de vérifier son identité sur les réseaux pour voir à quoi il ressemblait. Damn, il était mims, en plus !

—Je peux vous offrir un verre ? En vu d’une possible collaboration.

Une proposition que je fis après qu’il confirma son identité, avec un air charmeur.